🗡️ Chronique de la Scission – “Cendres d’Aube”Fort d’Haelborne, bastion de l’Aube d’Argent – Bordeciel occidentale - Année 2E 581.
- Quelques jours avant la rupture.
La pierre transpire le froid. Le vent s’engouffre dans les meurtrières du fort, râpeux, râlant comme une bête blessée. Il charrie l’odeur du sang sec et du bois calciné. Dans les couloirs, les torches vacillent, jetant des ombres torses sur les murs comme des âmes cherchant la sortie.
Dans la salle des archives, ils sont quatre. Quatre âmes usées. Quatre reliques d’un idéal qui s’effondre. Autour d’eux, une carte constellée de marques rouges — pas des notes tactiques. Des cicatrices.
Trop de hameaux rayés de la terre. Trop de charniers. Trop de silence.
Matmarann, le regard creusé comme une tombe, brise enfin le mutisme :
— « Ce ne sont pas des purges. Ce sont des massacres. On frappe par peur, pas pour aider»
Son armure grince quand il se redresse. Le métal, noirci par la suie, ne brille plus depuis longtemps.
Ozvald le Preux, à genoux, nettoie une lame rougie. Pas de zèle. Un geste vide, mécanique. Comme s’il espérait que frotter assez fort effacerait ce qu’il a vu.
— « J’ai vu les yeux d’un guérisseur, juste avant l’exécution. Pas de haine. Juste… une prière. À mon Dieu. À Stendarr.»
Sa voix est éteinte, râpeuse comme une corde trop tendue.
Lograin, le colosse nordique qui avait vécu plusieurs vies, allant d’enfant soldat à déserteur, voir bandit pour gagner son pain, les poings fermés comme des marteaux, frappe la table de ses phalanges calleuses. Un coup sourd, désespéré.
— « Cette guerre est sans fin, sans but et nous emmène à commettre des actes !!!. » Le nordique crache sur le sol. « On empale des gosses maintenant. Des ventres vides, pas des bêtes maudites. »
Il frappe de nouveau la table rageusement, le regard perdu. « J’ai vu sa mère hurler jusqu’à se rompre les cordes vocales. On l’a laissée là, dans la neige. Comme un chien crevé. »
Lleoyd, reste en retrait. Silencieux. Les yeux clos. Sa voix tombe enfin, froide comme la mort :
— « Le feu de l’Aube est devenu brasier. Il ne guide plus. Il dévore. »
Une pause. Puis : *« Il nous faut un feu nouveau. Plus juste dans nos actions. »
Le silence s’étire. Un silence lourd, poisseux, comme avant une tempête. Seuls les murs semblent respirer.
Matmarann pose enfin sa main sur la carte. Ses doigts tremblent. Non de peur — mais de lucidité.
— « Il est temps de choisir. Non pas contre l’Ordre… mais au-delà. Pour ce qu’il aurait dû être, les amis. »
Il relève les yeux. Ils sont vides d’illusions, mais pleins de volonté.
La Scission ne sera pas noble. Mais elle sera nécessaire …