Pratiques et idiotismes du culte d'Azura

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Pratiques et idiotismes du culte d'Azura
par Llevndryn Sershilavu de la Maison Arador Dayn

Il est sans doute un peu vain et peut-être même dangereux de vouloir catégoriser, normaliser, des pratiques religieuses et plus généralement une foi, alors même que celles-ci prennent des formes bien différentes selon les cadres, les régions et les peuples. Pourtant, quelques pratiques rituelles récurrentes peuvent permettre, sans les généraliser pour autant, d’établir les contours d’une structure. C’est cette structure ainsi que le discours qui en est fait que je veux m’appliquer à étudier dans le cadre de la vénération de la Dame de l’Aube et du Couchant et que j’engloberai sous les termes de "culte d’Azura".

Il est un grand mal qui farde le regard de l’observateur qui se contente de ce que ses yeux lui disent. Ce voile qui se pose dès le plus jeune âge sur le visage curieux et qui résistera même après qu’on l’ait remarqué, c’est l’ethnocentrisme. L’ethnocentrisme, le fait de voir le monde à travers le prisme de sa propre culture, de voir ces valeurs comme universelles et partagées par tous, n’est nulle part plus présent que dans la représentation de la foi. Lorsque l’on doit décrire un culte étranger à nos propres pratiques religieuses, nous le faisons souvent et transposant nos structures et en faisant entrer dans des cases qui ne leurs sont pas destinées, les éléments d’un culte qui s’articule souvent bien différemment. Pour faire une allégorie avec la langue, nous traduisons mot pour mot plutôt que de capturer le sens. Notre compréhension s’arrête alors pour faire place à la peur ou au mépris. Nous allons jusqu’à utiliser l’idiolecte de nos cultes pour parler de ceux des autres et ainsi leur prêter un sens qu’ils n’ont pas.

La première erreur que commettent ces idiotismes et ces mots créés pour être propres à une religion, est de transposer une intensité ad hoc à leur foi d’origine. La foi est vécu comme quelque chose de bien différents suivant les cultes, les divinités, les contextes. Un fervent adorateur dans sa religion ne pourra pas concevoir que le pratiquant d’une autre foi la vive avec plus de légèreté. Celui qui vit sous le joug d’un dieu omnipotent ne parviendra que difficilement à concevoir que certains observent leurs dieux comme des êtres mortels qui boiraient, danseraient et jouiraient sans se soucier d’ici-bas. (Je suis moi-même bien incapable de complètement m’extraire de mes concepts puisque l’idiotisme "ici-bas" que j’utilise est lui aussi propre à certains contextes.) La foi n’est pas quelque chose de binaire selon qu’on l’ait ou pas. Elle se décline sous maintes figures.

Non, pour vraiment comprendre un groupe et ses meurs, il n’est d’autre choix que de devenir parti intégrante de ce groupe. Cela ne se fait pas en quelques jours, c’est un travail de plusieurs années et seulement alors sera acquise la légitimité de pouvoir parler de ce groupe bien précis. Ce travail, je ne l’ai pas fait. Je ne peux parler qu’avec ma propre expérience, ayant vécu au sein d’un clan cultiste d’Azura. Pour essayer de dépeindre un tableau un peu plus complet du culte de la Dame en Tamriel, je me servirai du travail de recherche d’autres érudits qui annotèrent leurs observations.

Afin d’enfin entrer dans la matière, je vais citer ici Haderus de Gottlesfont et son « Hérésie moderne », plus justement sous-titrée « Étude de la religion daedrique dans l'Empire ».
[…] Les références que l’on y trouve peuvent apporter des connaissances de base utiles concernant les sanctuaires daedriques. Par exemple, mes recherches m’ont permis de comprendre que, en Cyrodiil, les sanctuaires daedriques étaient généralement représentés par des statues des seigneurs daedra, qu’ils étaient habituellement situés dans des zones sauvages loin des campements, que chaque sanctuaire se voyait généralement associé à une communauté d’adorateurs communément appelée "assemblée" ainsi qu’à un moment particulier – souvent un jour donné de la semaine – où il devenait possible de solliciter un seigneur daedra. J’ai également appris que les seigneurs daedra ne daigneraient généralement pas répondre sauf s’ils jugeaient que le demandeur avait accompli des prouesses ou fait preuve d’une grande force de caractère, qu’ils ne répondraient que si l’offrande appropriée leur était faite (le choix de l’offrande étant généralement un secret connu de la seule communauté d’adorateurs) et, enfin, qu’en échange de l’accomplissement d’une tâche ou d’un service, les seigneurs daedra choisiraient souvent d’offrir un artefact de puissance à un adorateur couronné de succès.
Comme le sous-titre le précise bien, il s’agit ici d’un certain type de pratiques prenant lieu dans les terres de l’Empire. Il ne faut pas réduire le culte daedrique à cela, de nombreuses autres formes l’habillent. Cependant, les quelques éléments que cette description met en avant se retrouvent assez communément lors des cultes en assemblées, même au-delà des terres impériales de Cyrodiil. Les statues peuvent varier en taille et il n’est pas rare d’en trouver de bien plus petite pouvant prendre place dans les maisons, voire de taille encore moindre pouvant être portée comme bijoux.

Dans ce passage, deux termes reviennent pour désigner les cultistes : "adorateurs", un terme bien connu largement utilisé pour distinguer les pratiquants des cultes daedra ; et "assemblée" qui désigne le groupe entier qui fait le culte. Il paraîtrait que le terme d’"amant" est utilisé dans la Baie d’Iliaque*, mais, excusez tout jeu de mots, je ne peux pas donner parole de foi à ces rumeurs.

À ces éléments cités concernant les cultes de tous les Princes daedroth, j’en rajouterai au moins deux : le premier est que chaque Prince, me semble-t-il, a quelques reliques liées à lui (je ne ferai pas ici l’inventaire des reliques connues pour chaque Prince puisque ces pages se veulent traiter du culte d’Azura et non des autres) ; le deuxième élément partagé entre ces cultes est le jour d’invocation du Daedra, non pas, comme Haderus de Gottlesfont le fait remarquer, au sein de la semaine, mais un jour durant l’année ou l’avatar du Prince peut rejoindre Nirn. Pour Azura, il s’agit de l’Hogitum, le 21 Semailles. Sans m’y étendre d’avantage, deux reliques sont connue pour la Dame : l’Astre-Lune de Nérévar et du Nérévarine, et son Étoile, une gemme spirituelle dont la capacité dépasserait toute vraisemblance et plus belle que les étoiles du ciel.

Quelques précisions supplémentaires peuvent être apportées sur son invocation. Tout d’abord, il est sans doute inutile de le préciser, mais comme ces titres l’indiquent, les moments de prédilection pour l’invocation de la déesse sont l’aube et le crépuscule. Ces titres, justement, doivent tous, ou autant que possible, être énoncés pour débuter l’invocation, sans quoi l’ire de la déesse sera provoqué, car elle aime être reconnue et admirée. Aucune invocation ne doit être entreprise lorsque l’orage tombe le soir d'Hogithum, «
car une telle nuit ne peut qu'appartenir à Shéogorath le Dément** ». Comme pour les autres Princes, une ou plusieurs offrandes doivent lui être faites. Azura aime ce qui brille, aussi des poussières magiques, des pierres ou des métaux précieux doivent être privilégiés. La foi de ses invocateurs doit être authentique, et doit même se muer en amour, mais je reviendrai sur ce point plus loin.

La tradition se construisant au sein du culte d’Azura veut que la Dame accorde une place particulière à la solitude qu’elle dit permettre le réconfort. Ainsi, certains cultistes pratiquent la méditation pour se sentir plus proches de leur déesse.*** Ceci est un des éléments partagés entre les différents cultes d’Azura en Tamriel. À vrai dire, les éléments qui ne divergent pas en fonction de la société pratiquant le culte semble être ceux dictés par la Dame elle-même. Parmi ceux-ci, on peut retrouver la communication au travers des visions et les prophéties. On dit des adorateurs qui les reçoivent qu’ils communient avec Elle. La Dame du Demi-jour offre également à ces serviteurs des bénédictions. On peut aussi parler de dons.

Les autres pratiques diffèrent ensuite selon les groupes sociaux. N’étant pas en mesure d’étudier chacun de ces contextes, notamment la pratique dans les cercles familiaux, dans certains clubs et dans les sphères plus fermés de l’aristocratie ou de la clandestinité, je vais me contenter d’exposer trois larges cercles dont les différences sont notables : le culte chez les Brétons de l’Abbaye du Paria, celui en œuvre chez les Khajiits, et la place du culte dans la société dunmeri sous le Tribunal.

Tout d’abord chez les Dunmers, bien que l’ancien culte des Daedra soit globalement mal vu, la vénération d’Azura est relativement tolérée si elle se fait dans le cadre privé, en dehors de la vie publique. Officiellement, elle s’est soumis de bon gré, au même titre que les autres Daedra bienveillants, à l’autorité de l’ALMSIVI.
Le Temple des Tribuns de Morrowind a adopté la vénération des Daedra en tant qu'esprits inférieurs soumis à l'immortel ALMSIVI, le dieu aux trois visages comprenant les divinités souveraines Almalexia, Sotha Sil et Vivec. Ces Daedra subalternes sont répartis entre les Daedra bienveillants et les Daedra malveillants. Les Daedra bienveillants se sont soumis de bon gré à l'autorité de l'ALMSIVI et les Daedra malveillants ont défié ALMSIVI - c'est une espèce perfide constituée le plus souvent d'adversaires et non d'alliés.

« Les plus sombre des ténèbres » d’où sont tirées ces lignes est un bel exemple de transcription d’une pratique religieuse via le vocabulaire d’une autre. Les pratiques autorisées y sont tout autant calquées sur celles du Temple et se dénaturent donc du culte originel.

Les Brétons de l’Abbaye du Paria vont encore plus loin dans l’appropriation des codes religieux puisqu’ils copient presque complètement la structure de leur culte sur celui des Huit. Ainsi, non seulement ils l’effectuent dans une abbaye, mais celle-ci est également composée de chapelles, et son ordre de prêtres. Comme pour les divins, ils "louent" Azura et je pense ne pas trop me tromper en gageant que leurs productions artistiques, à commencer par leurs chants, doivent s’apparenter aux mouvements en vogue à Haltevoie et ailleurs en terres brétonnes, véhiculant une idée bien aedrique de la religiosité.

Ceux-ci communient via le rêve avec la Princesse, certainement un héritage propre à la mission de leur ordre de contrecarré les plans de Vaermina, la Prince des cauchemars. Ils utilisent pour s’en protéger divers artifices, comme des élixirs et une pierre enchantée, révélés à eux par la Dame en personne. Il m’est difficile de les considérer comme un culte à part entière car l’ordre se cimente autours d’une quête bien précise. Le temps dira si elle sera l’origine de l’implantation permanente d’un culte reconnu en Haute-Roche ou s’il s’effacera avec les années.

Azura est parfois appelée Azurah. C’est le cas chez les Khajiits pour qui elle a une place bien particulière et est un acteur majeur de leur mythe fondateur. On retrouve jusque dans leur légende de la création le thème centrale de l’amour que j’évoquais plus haut puisque «
Dès le premier jour, Nirni et Azura s'affrontèrent pour s'approprier l'amour de leur mère.**** ». Elle est celle qui créa les hommes-chats.

Selon la tradition khajiit, Fadomaï révéla ses secrets à Azura. D’après cette même tradition et comme nous le révèle « Parole d’Ahnissi, mère de clan », il s’agirait là de trois secrets de la création des Khajiits, mais je soupçonne qu’il y ait bien plus que cela. Trois secrets sont donnés et sont retranscrits, mais le dernier paragraphe nous indique l’incomplétude de cette retranscription puisqu’un mot magique est invoqué et que sa nature n’est nullement précisée. «
Azura boucha les oreilles d'Ahnurr et de Lorkhaj, afin qu'eux seuls n'entendent pas le mot magique. »

L’une des valeurs ancrée dans la culture khajiit vient directement d’Azura et des secrets qui lui furent révélés. Il s’agit de la valeur du silence. «
Et elle dit aussi : " Les Khajiits doivent être les plus grands fourbes, car il leur faudra toujours cacher leur véritable nature aux enfants d'Ahnurr. " » Il y a dans ces mot l’idée du secret, de la clandestinité, l’importance de ne pas tout révéler de sa nature, valeur qui s’est ancrée dans une culture toujours partagée chez les Khajiits.

Autant de pratiques qu’il y a de cultes, autant de foi qu’il y a d’individus, même les idées et les meurs les plus éloignés peuvent se rencontrer et se rencontrent effectivement. Beaucoup de migrations ont cours sur Tamriel et mélangent les ethnies autant que les voyageurs se rencontrent et rejoignent ou créent des cultes. Avec ce brassage vient une diversité croissante des pratiques et il n’est pas rare de voir celles-ci se mêler, évoluer ou s’adapter depuis d’autres traditions et parfois même prendre leur origine dans la vénération d’autres divinités. Ainsi, on peut trouver des similitudes dans les cultes de Molag Bal et d’Azura qui sont alliés en Oblivion autant que l’on peut s’étonner de voir un Mer effectuer des rituels de tradition khajiits. Tous ceux-ci motivés par des valeurs intrinsèques à la déesse.

Que ce soit par la vision, par les rêves, ou par des prophéties, ce qu’Azura communique, c’est sa vision du destin, sa clairvoyance. Azura voit le futur et le communique à ces adeptes, c’est là un pilier majeur de son culte et une des facettes les plus marquée de sa personnalité. «
Azura va de pair avec le mystère, la magie, le destin et les prophéties. » disent les Anticipations. Elle est sage car elle a tout vu avant que cela ne se produise. Sage mais aussi cruelle. D’une extrême cruauté. Et attirer son courroux peut changer la face du monde car sa fureur est sans concessions.

Mais avant tout Azura veut l’amour de ces serviteurs. Elle l’exige. Si la foi de ces adeptes n’est pas authentique et guidée par leur amour pour elle et leur amour entre eux, alors elle sera en colère. Elle est la seule qui se préoccupe de ses adorateurs mais elle attend d’eux qu’ils l’aiment sans limites. Elle est égotiste et vaniteuse et ceux qui veulent lui plaire doivent avant tout lui montrer leur admiration. Sa vision de l’amour n’est pas celle des mortels mais peut-être une compréhension de celui-ci bien plus savante. Elle l’ordonne à nos yeux de manière puérile mais nos yeux sont mortels et peut-être ne voient-ils pas tout. Peut-être que cette amour confère à la Prince un certain pouvoir à exister au-delà de l’Oblivion.


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* Les pages non officielles sur les Parchemins des Anciens : Azura
** L'invocation d'Azura, par Sigillah Parate
*** The Elder Scrolls III : Morrowind, Dialogue d’Azura au Sanctuaire d’Azura
**** Parole d'Ahnissi, mère de clan, par Ahnissi
Edited by Llevndryn on 6 décembre 2015 7:47
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    Pour terminer ce travail de recherche, j’ai récolté quelques phrases de l’idiolecte utilisé dans les cultes dunmeri à la Dame de l’Aube et du Couchant.* Il s’agit de formules utilisées pour la forme au-delà de leur sens et qu’il est coutumier de prononcer de le cadre d’une assemblée.

    « Que la magie d’Azura vous protège. »

    « Le Crépuscule a prédit cela. Tout sera révéler en temps voulu. »

    « Tout se déroulera comme cela a été prédit. »

    « Tout cela a été prédit et nous devons jouer notre rôle. »

    « Azura vous protège. Elle a tout vu avant que cela ne se produise. »

    « Le Crépuscule guide vos pas. »

    Certains termes peuvent s’intervertir dans ces expressions. "Crépuscule" peut par exemple être remplacés par "Aube", "Couchant", ou "l’Aube et le Couchant", ou encore par "la Dame" et "Azura".



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    * The Elder Scrolls V : Skyrim, Dialogue d’Aranea Ienith au Sanctuaire d’Azura
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