Maintenances pour la semaine du 4 novembre:
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[Récit] La Symphonie des Troubles
( Post original :
TESORP FRANCE )
Chapitre 1 - Apprends en servant.– La tempête se lève, fit remarquer une voix peu assurée.
Deux lueurs écarlates se tournèrent dans la direction dont été provenu la plainte, pour ne distinguer qu'une silhouette difficile à discerner à travers le brouillard de cendres. Ne s'obstinant pas davantage, elle retourna la tête pour se concentrer sur le sentier, et le halo de ses yeux disparut bientôt, dissimulé par le verre épais des lunettes de protection. Il n'était pas conseillé pendant une tempête de cendres de laisser ses yeux ou ses voies respiratoires à découvert, si bien que dans la tourmente, les trois individus qui marchaient les uns derrière les autres avec peine étaient couverts de la tête aux pieds. Ainsi emmitouflés dans leurs capes, le visage masqué par un foulard et des lunettes et la tête cachée sous une capuche, on aurait dit des spectres errant dans la pénombre. Ils suivaient à pas lents un sentier aride qui montait à flanc de montagne, sur une corniche d'à peine quelques mètres, sur laquelle on aurait pu faire passer un convoi sans crainte de chuter dans le vide. En raison des intempéries, il était en plus de cela impossible d'y voir à plus de deux ou trois mètres, si bien qu'il fallait une vigilance accrue à la silhouette de tête, forcée de vérifier à chaque pas si une faille soudaine dans le sol ne l'attendait pas. Outre les quelques champignons particulièrement résistants, et de l'herbe desséchée éparpillée en touffes isolées, le chemin ne semblait être qu'une épaisse couche de cendres tombées des hauteurs, dans laquelle on s'enfonçait au point de pouvoir croire s'enfoncer dans du sable. Il ne s'agissait là que d'une raison de plus d'avoir des difficultés à se mouvoir.
Difficultés qui semblaient particulièrement être palpables pour le deuxième marcheur, qui cherchait tant bien que mal à suivre le rythme du premier, piqué qu'il était parfois par la lance du troisième. A chaque fois qu'il sentait la piqûre cruelle de la pointe de lance en ébonite lu lacérer le dos, il lâchait une sorte de jappement surpris qui se perdait dans les rafales de vent, puis se mettait à trottiner pour ne pas rester à la traine. C'était à lui que l'on devait la remarque qui était venue briser leur progression silencieuse, bien que cela n'avait visiblement pas fait forte impression sur ses compagnons de marche. Dépité, il avait alors rapidement remis son foulard en place devant sa bouche et son nez, et s'était efforcé de mettre un peu de distance entre lui et la pique dans son dos, en dépit de son souffle court.
Bientôt, ils arrivèrent à une courbe dans le sentier, dont l'inclination ascendante se faisait de plus en plus cruelle. Au même instant, un grondement sourd retentit, avec une force telle que le sol sous leurs pieds se mit à trembler. Sans que cela n'étonne qui que ce soit, l'individu du milieu poussa un petit cri plaintif. Pourtant, la silhouette de tête marqua un arrêt, et se retourna vers ses deux « collègues », pour peu qu'on puisse les qualifier de tel. Pendant ce temps, quelque part dans le lointain, à travers la pluie de cendres qui les empêchait d'avoir une vue dégagée du panorama de la région, une lueur commença à apparaître. Même avec les conditions météorologiques déplorables, on pouvait deviner que cela provenait d'une région très éloignée et en hauteur, et que l'origine du vacarme s'apparentait à un titanesque incendie.
– Le volcan n'en a pas fini, Sera Redoran, nota l'individu à la lance, venu se poster derrière le deuxième qui, effondrait dans la cendre, reprenait son souffle. Nous aurons sûrement des chutes de cendres jusqu'à demain.
En prononçant le mot « sera », il avait fait preuve d'un respect tout particulier, laissant bien deviner qu'il s'agissait là d'un titre honorifique. Sans avoir l'allure d'un serviteur, la déférence dont il faisait preuve montrait bien qu'il se plaçait comme inférieur à la personne de tête, quelle qu'en soit la raison.
– Cela ne m'empêchera pas d'en venir à bout, lui rétorqua poliment cette dernière, avec une voix clairement féminine, bien que rendue sourde par le foulard et le sifflement du vent.
L'homme à la lance acquiesça. Pour sa part, elle se dirigea vers le misérable toujours étendu dans la cendre, et l'interpella. Il ne sembla tout d'abord pas disposer à lui répondre, que ce soit par sentiment de rébellion, ou tout simplement par fatigue. Finalement, il prit un coup de la hampe de la lance derrière la tête et, après un gémissement pitoyable, releva la tête vers elle.
– C'est là-haut ? Lui demanda-t-elle, sans faire de remarque sur l'instant de violence du geôlier. Elle pointait avec l'index la direction du sentier montant en pente raide.
Observant dans la direction qu'elle lui désignait de sa main gantée, il resta un moment interdit, puis la regarda à nouveau et acquiesça de façon saccadée. Bien qu'elle ne pouvait voir ni son visage, ni ses yeux, sous ses couches de protection, elle devina qu'il devait être mort de peur. Sans l'importuner davantage, elle hocha doucement de la tête, puis s'adressa une nouvelle fois au soldat :
– C'est à moi de jouer, alors. Priez pour moi, ordonnateur.
– Bénis soyez-vous, vous qui servez ALMSIVI, Sera Redoran, répondit-il en s'inclinant légèrement, faisant là référence à une prière courante du Temple.
Elle le gratifia à son tour d'un hochement de tête, puis la Sera Redoran reprit sa marche, commençant à gravir le chemin menant vers l'inconnu, laissant les deux autres derrière elle.
Slaybell Redoran, de son nom complet, continua donc de tantôt crapahuter, tantôt escalader le long du sentier qui devenait à chaque instant plus difficile à suivre. La corniche se faisait parfois si étroite qu'il lui était nécessaire de se coller à la paroi rocheuse pour ne pas risquer d'être jetée dans le vide par une rafale. Heureusement pour elle, et contrairement à ceux qu'elle avait laissé en retrait, sa cape était d'une meilleure coupe que la leur, aussi ne risquait-elle pas de se faire aveugler au pire moment par un pan d'étoffe soudain rabattu par la brise, ce qui aurait pu tout autant lui être fatal dans une telle situation. Prenant le temps de se reposer sur un surplomb rocheux un peu plus large, elle essuya la cendre venue se coller au verre de ses lunettes, et observa les environs, cherchant à discerner la silhouette de l'un des deux volcans de la région, à travers le voile grisâtre. C'était peine perdue. Les tempêtes de cendres, dans cette région de Morrowind nommée les Éboulis, étaient réputées pour leur violence, surtout aux abords du Mont Cendreux, l'un des volcans les plus actifs de la province dunmeri. C'était d'ailleurs la lave au sommet de celui-ci qui avait été visible un peu plus tôt, et c'était encore à la montagne capricieuse que l'on devait le son fracassant ayant précédé la séparation du groupe. Gardant le silence, Slaybell continua encore quelques minutes d'essayer de repérer quelque chose à travers le brouillard ardent, puis laissa tomber, et reprit son ascension.
Elle avait l'habitude de devoir voyager dans ce genre de conditions. Lorsque l'on prenait les routes pendant au moins quelques jours sur les terres des elfes noirs, et qu'on se trouvait aux alentours de la mer intérieure, on était forcément confronté aux pluies de cendres, à un moment ou à un autre. Elle qui ne cessait d'arpenter Morrowind de part en part pour son activité, avait même fini par s'attacher à cette particularité météorologique de son pays. Il faut dire que les elfes noirs, ou dunmers, habitent la province la plus dépaysante de Tamriel, tant par son climat que par sa faune et sa flore. Pour sa part, n'ayant jamais rien connu d'autre que cela en dehors des livres, elle trouvait que ce voile de cendres renforçait l'atmosphère mystique et mystérieuse de la contrée, et lui donnait un certain charme. De plus, on finissait par s'habituer à porter en permanence tous ces accessoires sur la tête.
Ses réflexions furent soudain interrompues lorsqu'elle réalisa que le chemin arrivait à un croisement, devenant à la fois plus large, moins incliné et moins couvert de cendre. Ce dernier point indiqua rapidement à la femme solitaire qu'il s'agissait là d'un chemin plus fréquenté, constatant aisément qu'à sa gauche, la route devait redescendre dans les terres, tandis qu'à sa droite, le sentier continuait de grimper dans la montagne, mais plus au bord d'une falaise, cette fois-ci. Se recroquevillant sur elle-même, observant avec plus d'attention les alentours, la Redoran vérifia que personne ne se trouvait actuellement sur cette nouvelle route, s'inquiétant surtout de la présence d'éventuelles sentinelles. Hélas, comme plus tôt, il était impossible de pouvoir bénéficier d'une vue dégagée, aussi prit-elle le risque d'avancer malgré tout, et de prendre la route s'enfonçant dans les montagnes, vers le sud.
Elle n'eut pas à marcher encore très longtemps, néanmoins, puisqu'elle arriva bientôt à destination : le sentier s'arrêtait de façon abrupte devant un mur rocheux d'une vingtaine de mètres de haut. Sur les derniers mètres, la route s'engouffrait en effet dans une faille entre deux monts de taille moyenne, formant une sorte de cuvette dont avait sans doute émergé en des temps immémoriaux une rivière. Aujourd'hui, il n'y avait plus la moindre trace d'humidité et, ainsi entouré par la roche, la pluie de cendres était plus ténue, le vent moins agressif, et le silence plus lourd. Dans la paroi rocheuse qui marquait la fin de la route, on pouvait apercevoir l'entrée d'une caverne, telle l'entaille d'une gigantesque lame dans la pierre, s'enfonçant dans l'obscurité de la terre. En s'approchant suffisamment de celle-ci, on ne pouvait passer à côté de l'odeur marquée de la chair en décomposition, si forte qu'elle parvenait même à surmonter celle du souffre, pourtant omniprésente à l'extérieur par ce temps.
Slaybell hocha à nouveau de la tête, cette fois pour elle-même. Cela correspondait à la description que lui avait donné le prisonnier, après qu'il eut été soumis à la question par les ordonnateurs. Il appartenait en effet à un petit culte vénérant le prince daedra Molag Bal, seigneur de la soumission, de l'esclavage et du viol. Selon la religion dunmer du Temple du Tribunal, vénérer ainsi un Prince Daedra appartenant à la Maison des Troubles était passible de mort, et c'est sans doute ce qui serait arrivé à l'adepte s'il ne s'était pas lui-même rendu aux autorités. En effet, il semblait bien que lui et ses confrères avaient invoqué un daedra en Tamriel, et n'avaient pas su correctement le contenir, si bien qu'il s'était retourné contre eux. Ayant réchappé de peu à la boucherie, mais étant persuadé que le démon viendrait finir le travail tôt ou tard, l'adorateur de Molag Bal avait fini par avertir les autorités. En temps normal, les ordonnateurs de la cité voisine, le Guet de Davon, auraient du se charger eux-même de traquer la créature, avant de mettre à mort le traître peu futé. Malheureusement, avec les séquelles de l'invasion akaviroise, il devenait difficile pour les protecteurs du Temple de s'assurer tout à la fois de protéger les centres religieux des hérétiques, les villes des malfrats, et les terres sauvages des monstres.
C'était dans ce genre de situation qu'intervenait Slaybell, fille de la Grande Maison Redoran, et membre des Exaltés. Elle avait appris dès son plus jeune âge à se battre, appartenant à la Maison la plus martiale de Morrowind, et au fil des événements, s'était vue intégrée à ce groupe de guerriers errants servant la volonté du Dieu Vivec. Si elle avait bien des raisons de ne pas être satisfaite concernant plusieurs points de son existence, son travail au sein des Exaltés restait malgré tout plaisant. Suivant l'exemple du Guerrier-Poète Vivec, l'un des trois dieux vivants formant ALMSIVI, le panthéon du Temple du Tribunal, elle s'efforçait de voyager pour libérer les terres de Morrowind du Mal menaçant son peuple, tout en continuant de stimuler sa fibre artistique. C'était un mode de vie solitaire, loin de ce à quoi on pouvait s'attendre pour une fille de maison noble, mais cela lui convenait bien.
Elle fit quelques pas prudents jusqu'à l'entrée de la caverne, et jeta un coup d’œil à l'intérieur tout en restant tapie contre la paroi. Constatant l'absence d'un danger immédiat, elle se hâta de se mettre en condition. Affronter un daedra, même le plus petit qui soit, pouvait être synonyme d'une mort violente, si on s'y prenait avec désinvolture. L'exaltée avait déjà entendu plus d'une fois le récit de guerriers prétentieux qui, à cause de leur ego, s'étaient vus réduits en charpie par des galopins, ces ridicules démons arrivant à peine à hauteur du genou. Elle rabattit sa capuche en arrière, dévoilant une chevelure noire d'ébène attachée en un chignon serré à l'arrière de son crâne, puis abaissa son écharpe et ses lunettes au niveau de son cou. Enfin, elle retira sa cape, et vérifia rapidement que tout son équipement était en place.
C'était une chose étrange qu'une armure dunmeri, pour les autres habitants de Tamriel. En raison des bizarreries de leur région inhospitalière, les elfes noirs avaient très tôt trouvé un moyen de s'adapter à leur milieu, et s'équipaient ainsi avec des substituts très étonnants, mais efficaces. Ainsi, l'elfe noire portait trois couche d'équipement, en dépit de la chaleur ambiante. Tout d'abord, de fines étoffes de tissu, qui protégeaient son corps des cendres et de la morsure causée par le poids du reste de son attirail. Par dessus celle-ci, un ensemble cohérent de coques pour les bras, les jambes et les articulations, faites dans des bandes souples de cuir de netch, ces étranges animaux ressemblant à de grosses méduses flottant dans les airs. Enfin, couvrant la majeur partie de son corps, elle portait une armure complète en ossement et en chitine, dont la teinte dorée et le style rappelait sans mal les armures Redoran. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les ossements et la chitine prélevés sur les insectoïdes géants de Morrowind, une fois traités par les artisans dunmers, étaient aussi solides que de l'acier, et sans doute aussi plus légers. Cela donnait néanmoins à leur porteur un air quelque peu inquiétant, puisqu'une fois totalement couvert d'une telle armure, un elfe noir ressemblait davantage à une sorte de guerrier insecte humanoïde.
Satisfaite qu'aucune de ses sangles ne soit défaite, et que chaque pièce de cuir ou de chitine s'engonce correctement les unes dans les autres, Slaybell poursuivit l'inspection avec la revue de ses armes. Dans son dos, elle vérifia que son arc renforcé lui était facile d'accès, et que son épée longue en ébonite, ce métal noir particulièrement présent dans la région, ne coinçait pas dans le baudrier. A sa ceinture, elle suivit le même rituel avec ses deux dagues et son carquois. Enfin satisfaite, la Redoran posa à nouveau son regard incarnat sur l'intérieur du gouffre, cherchant à discerner une ombre ou un son pouvant la renseigner sur son adversaire. Dans sa panique, le prisonnier n'avait hélas pas même pris le temps d'observer en détails la créature daedrique, et avait pris les jambes à son cou sans demander son reste. Faisant claquer sa langue sur son palais avec agacement, elle marmonna une prière au dieu guerrier, puis se faufila par l'ouverture en essayant de rester aux aguets.
Une fois dans la cavité, l'odeur de mort devint omniprésente. A n'en pas douter, une ou plusieurs personnes étaient mortes ici récemment, et l'odeur du sang et de la chair putréfiée prenaient à la gorge. Gardant les dents serrées afin d'éviter d'avoir la nausée, la dunmer fit quelques pas en avant, sans pouvoir distinguer quoi que ce soit dans la pénombre. Elle se saisit rapidement d'une sacoche à sa ceinture, dont elle sortit plusieurs éclats de cristal. Les plaçant dans le creux de ses mains, elle les porta tout près de ses lèvres, et murmura une incantation en dunmeri, afin de raviver l'enchantement placé sur les objets. Bientôt, ils se mirent à briller d'une puissance lumière blanche, et elle s'empressa de les jeter devant elle au hasard, puis se porter la main jusqu'au manche de son épée, prête à en découdre.
La salle creusée dans la roche se révéla soudain à elle, dans toute sa plus macabre netteté. Le sol et les murs étaient couverts de symboles daedriques, formant des phrases qu'elle déchiffra rapidement comme étant des prières au maléfique Molag Bal. Sur le sol, notamment, un grand espace avait été libéré pour graver un pentacle dans la roche, autour duquel plusieurs bougies, consumées ou renversées, avaient été abandonnées. Elle aurait sans doute accordé plus de temps à l'étude des quelques caisses de fournitures et étagères contenant des tomes impies, si son attention n'avait pas été retenue par un détail plus marquant. Le pentacle, le sol, les murs et les meubles susnommés étaient couverts d'éclaboussures rougeâtres. Il n'y avait pas besoin d'être une chasseuse de monstre aussi accomplie que Slaybell pour deviner qu'un bain de sang avait eu lieu ici et, étant donné les morceaux de membres et d'organes dispersés ça et là, de l'attribuer à une créature démoniaque d'Oblivion. La main toujours fermement agrippée au manche de son arme, toujours attachée dans son dos, l'elfe noire jeta un regard à la ronde, pour déterminer si la créature était toujours là. Tout ceci n'avait duré que quelques instants, et c'est donc au moment où son regard se posait sur la petite cavité encore plongée dans l'ombre, au fond de la pièce, qu'en émergeât le monstre.
Il s'agissait d'un faucheclan, elle le devina aisément. Son ennemi, en se dévoilant à la lumière dans un sifflement, prit la forme d'un massif lézard aux écailles sombres, campé sur deux pattes arrières puissantes. Ses pattes antérieurs se terminaient par de longues griffes tranchantes et sans doute aussi mortelles que les crocs émergeant de sa gueule de crocodile, surmontée de deux yeux reptiliens mauvais et d'une collerette de cornes. Sa colonne vertébrale se prolongeait en une longue queue fouettant l'air avec violence, dont l'extrémité était elle aussi couverte de pics peu engageantes. En somme, il s'agissait d'un monstre fait pour le meurtre. Cependant, l'elfe noire savait qu'il ne s'agissait pas là des seuls dangers représentés par le démon, puisqu'elle avait pris depuis bien longtemps connaissance de la perfide intelligence dont pouvait faire preuve ces choses, lorsqu'il s'agissait de réduire leurs proies en pièces.
Se campant avec soin sur ses jambes, l'exaltée se prépara à l'affrontement imminent, ne s'attendant pas à ce que le daedra s'adresse à elle. Elle ne fut pas déçue. La machine à tuer poussa un cri strident et irréelle, qui aurait été inconcevable venant de quelque chose d'autre qu'un des rejetons du plan d'Oblivion. C'est alors que vint la charge, ce qu'attendait la Redoran depuis le début, à vrai dire. Elle avait déjà affronté un faucheclan auparavant, et connaissait leur tendance à vouloir abréger le combat, en fonçant sur leur victime et en les encornant avant qu'ils n'aient eu le temps de réagir. Elle fit une rapide roulade sur le côté, se redressa en se tournant, tout ceci en dégainant son épée longue qui, dans le même geste, alla taillader le flanc couvert d'écailles du monstre qui l'avait manqué de peu. Elle esquissa un demi-sourire satisfait en constatant que son adversaire avait désormais une belle entaille au côté, et qu'emporté par sa charge, il était parti se cogner la tête contre le mur dans un sifflement agacé. Se retenant de profiter de l'occasion, ce qui l'aurait exposé à un coup de la queue fouettant l'air comme un fouet, elle tira de sa main libre l'une de ses dagues de son étui, et la jeta sur le monstre, visant l'une de ses pattes postérieures afin de l'empêcher de courir. Malheureusement, le morceau d'ébonie tranchant rebondit contre une écaille particulièrement solide, et tomba avec fracas sur la pierre.
– N'chow ! Jura-t-elle, tout en se remettant en garde, attentive à la suite du combat.
Une fois encore, elle n'eut pas à attendre longtemps, car la bête se retourna et, se campant sur ses pattes intactes, fit un bond vers elle, la gueule grande ouverte. Faisant elle-même un pas en arrière pour éviter une morsure qui lui aurait été fatale, l'elfe ne dut sa survie qu'à ses réflexes, tandis qu'elle levait rapidement sa garde pour éviter les coups de griffes qui suivirent. Toujours suivant ses réflexes, elle frappa de son poing ganté le museau du monstre, pour se donner la seconde de répit nécessaire à se remettre en position et à se préparer pour reprendre le combat. Malgré le fait qu'elle frôlait la mort à chaque instant, son esprit restait calme, et elle se repassait paisiblement les mots sacrés du Guerrier-Poète pour se donner du courage. Il y avait bien des situations dans lesquelles la dunmer ne se sentait pas à son aise, mais lorsqu'il s'agissait de tuer un monstre, elle était d'une sérénité exemplaire.
Plusieurs tentatives se succédèrent, durant lesquelles l'engeance d'Oblivion et Slaybell tentèrent tour à tour d'écharper leur adversaire, sans qu'une issue semble pouvoir se dessiner à ce combat. Pourtant, l'elfe noire eut l'occasion de saisir sa chance lorsque, ayant justement levé son épée pour parer un coup de griffe, le faucheclan fit soudain un tour sur lui-même pour essayer de l’assommer avec sa queue. Au lieu de s'écarter, ce qui l'aurait empêché de contre-attaquer à temps, elle prit la décision téméraire de sauter par dessus l'attaque et, dans un cri exprimant à la fois la douleur de l'effort et la soif de vaincre, abattit son arme tranchante sur le démon. Elle parvint à couper presque entièrement la queue du monstre, étant néanmoins sure que son coup avait suffisamment brisé d'os pour que l'arme vivante reste inanimée. Le cri de douleur de la créature lui vrilla les tympans, si bien qu'elle ne parvint pas tout de suite à retirer sa lame de la plaie, et qu'elle dut la lâcher pour éviter que son ennemi la déséquilibre dans son élan.
Elle sauta en arrière et tira rapidement sa dernière dague de l'étui, tandis que rendu totalement fou par la rage et la douleur, le faucheclan se jetait sur elle avec hargne. Il parvint à la renverser et manqua de peu de lui arracher la moitié du visage à coup de dents, ce qu'elle put fort heureusement éviter en lui enfonçant la dague dans l’œil, jusqu'au cerveau. Éclaboussée de sang à son tour, mais de sang de daedra, elle roula rapidement dans la poussière pour ne pas se faire piétiner par la créature aveuglée, et se redressa. Vive comme l'éclair, voyant la victoire à portée de main, elle arracha son épée longue encore enfoncée dans la plaie dans une nouvelle gerbe de sang, tourna sur elle même pour éviter un coup de patte donné dans le vide puis, dans le même geste, fendit l'air – puis le cou – du monstre avec sa lame.
Edited by Cleyam on 17 mars 2015 9:31